Les cercueils et cartonnages de la Troisième Période intermédiaire conservés à Lyon
The coffins and the cartonnages of the Third Intermediate Period housed in Lyon
- France Jamen
Plusieurs cercueils et cartonnages égyptiens datant de la Troisième Période intermédiaire (1069-655 avant J.-C.) sont conservés à Lyon, dans les collections du musée des Beaux-Arts, du musée des Confluences, du musée Testut-Latarjet de Médecine et d’Anatomie, ainsi que dans celles du musée d’Histoire de la Médecine et de la Pharmacie. Les cercueils exposés dans ces derniers musées ont été rapportés en France par Louis Lortet, au tournant du XXe siècle. Cet article propose un aperçu de ces collections ; il tente de préciser la datation de ces objets, leur provenance et l’identité de leurs propriétaires. Mots clés : cercueils - cartonnages - Troisième Période intermédiaire - Louis Lortet - Lyon. Several Egyptian coffins and cartonnages dating from the Third Intermediate Period (1069-655 BC) are housed in Lyon, in the collections of the Museum of Fine Arts, the Musée des Confluences, the Museum Testut-Latarjet of Medicine and Anatomy and the Museum of History of Medicine and Pharmacy. These coffins kept in the museums of Medicine were brought to France by Louis Lortet at the turn of the 20th century. This article offers an overview of this collection; it tries to specify the dating of these objects, their provenance, and the identity of their owners. Keywords: coffins - cartonnages - Third Intermediate Period - Louis Lortet - Lyon. |
Les cercueils et cartonnage conservés au musée des Beaux-Arts de Lyon
Les cercueils des XXIe et XXIIe dynasties
Les cercueils des XXVe-XXVIe dynasties
Un cartonnage de la fin de la XXIIe dynastie au début de la XXVe dynastie
Le cartonnage et la cuve d’un cercueil du musée des Confluences
La cuve du cercueil du musée Testut-Latarjet de Médecine et d’Anatomie
Le cercueil du musée d’Histoire de la Médecine et de la Pharmacie
Les cercueils et cartonnages égyptiens datant de la Troisième Période intermédiaire conservés à Lyon se trouvent actuellement dans quatre musées. La collection la plus importante est celle du musée des Beaux-Arts avec six ensembles de cercueils (inv. H 2314, H 2315, H 2320-2321, H 2322, 1969-179 et 1970-471) et un cartonnage (inv. H 2313), datés de la XXIe à la XXVe-XXVIe dynastie. Le musée des Confluences conserve au moins un cartonnage de la XXIIe dynastie (inv. 90001174). En outre, la cuve d’un cercueil jaune de la XXIe ou du début de la XXIIe dynastie appartient aux collections du musée Testut-Latarjet de Médecine et d’Anatomie, à Rillieux-la-Pape dans la banlieue lyonnaise, et un cercueil d’époque éthiopienne ou saïte au musée d’Histoire de la Médecine et de la Pharmacie (Rockefeller, université Claude Bernard Lyon 1). Cet article a pour objectif de donner une vision d’ensemble des cercueils de la Troisième Période intermédiaire conservés à Lyon, de préciser leur datation et l’identité de leur propriétaire. Il s’agit, en particulier, de porter à la connaissance de la communauté égyptologique les cercueils détenus par les musées de médecine, inédits ou méconnus jusqu’à présent.
Les cercueils et cartonnage conservés au musée des Beaux-Arts de Lyon Les cercueils des XXIe et XXIIe dynasties Le musée des Beaux-Arts de Lyon conserve à ce jour deux ensembles de cercueils jaunes en bois peint et verni de la XXIe ou du début de la XXIIe dynastie : le cercueil et la couverture de momie de Padikhonsou (inv. H 2320-2321) et la couverture de momie de Djedkhonsouiouefankh (inv. H 2322) 1. L’ensemble de cercueils du (w‘b ẖry-ḥb wty n pr Jmn) « prêtre-pur, prêtre-lecteur et embaumeur du domaine d’Amon » Padikhonsou qui date de la fin de la XXIe dynastie, du pontificat de Pinedjem II (990-969 avant J.-C.), est exceptionnel par l’association d’un couvercle à fond blanc décoré de bretelles rouges avec une cuve à fond jaune et par la décoration hors du commun de l’intérieur du couvercle et de la couverture de momie. Ainsi, une frise extraite du chapitre 17 du Livre des morts et une longue inscription hiéroglyphique avec quelques signes hiératiques de 69 lignes, qui associe deux formules funéraires au chapitre 1 du Livre des morts, ornent le couvercle. Quant à la face interne de la couverture de momie, elle comporte essentiellement des extraits illustrés des 10e et 11e heures du Livre de l’Amdouat. Sa provenance reste inconnue, contrairement à celle de la couverture de momie du (jt-nṯr n Jmn) « père-divin d’Amon » Djedkhonsouiouefankh (ancien Caire JE 29688, numéro A 8 de Georges Daressy) 2, voir Fig. 1. Cette planche provient de la cachette de Bab el-Gasous (Louqsor, Deir el-Bahari) et a été envoyée en France au ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts en décembre 1893. Puis, elle a été déposée au musée Guimet de Lyon par le musée du Louvre (E 10637 AF 102) en 1913, avant d’être transférée au musée des Beaux-Arts autour de 1969. Cette planche correspond au type II-d d’Andrzej Niwiński qui est attesté de la première moitié du pontificat du grand-prêtre d’Amon Menkheperrê (1045-992 avant J.-C.) jusqu’aux premières années de celui de Psousennès III (958- ? avant J.-C.) (Niwiński, 1988 : 75). Ce type peu courant de couvercle est caractérisé par la représentation des avant-bras peints croisés sur le large collier ousekh et par la présence de mains sculptées en relief.
Le cercueil anthropomorphe (inv. 1970-471 - Cabinet des Médailles CM 8, musée du Louvre E 13023), acquis par le musée du Louvre en 1907, est actuellement en dépôt au musée des Beaux-Arts de Lyon 3. Le couvercle en bois stuqué, peint et verni comporte une perruque bleue avec un bandeau géométrique et une dépouille de vautour, des yeux incrustés en bronze et un large collier ousekh (Fig. 2 et 3). Il a été peint en noir au niveau des jambes qui présentent quatre registres de vignettes tracées en jaune (Fig. 4). De haut en bas, sont représentés la défunte face à Rê ou Osiris, la déesse de l’arbre, Nout, abreuvant la défunte, la vache Hathor sortant de la montagne thébaine, Anubis sous la forme d’un canidé allongé sur un socle et deux génies munis de couteaux. Une colonne centrale d’inscription hiéroglyphique polychrome sur fond blanc sépare ces vignettes en deux colonnes. Elle contient une formule d’offrande à Rê-Horakhty et Ptah-Sokar. Le côté extérieur de la cuve à fond noir présente un bandeau illustré avec très peu de texte, entouré de deux frises (Fig. 5). À l’intérieur de la cuve, la déesse Nout est représentée les bras étendus sur les côtés qui comportent également les quatre fils d’Horus et Anubis.
Ce cercueil appartenait à une dame, la « maîtresse de maison » (nbt pr) Tahenychered, fille du (ḥm(?)-[nṯr] n pr Jmn) « prophète (?) du domaine d’Amon » Achakhetnakht. Ce type de cercueil avec un fond noir et dont la zone au-dessous du large collier est divisée en deux par une simple colonne ‒ comportant souvent une formule d’offrande ‒ correspond au type 1 de John H. Taylor attesté dès le règne d’Osorkon Ier, sous la XXIIe dynastie (Taylor, 2003 : 108). Ce modèle reste typique de cette période ; on ne le rencontre que rarement sous les XXVe-XXVIe dynasties. Ce cercueil provient sans doute de la région thébaine, en raison de son style. Son état de conservation est moyen : des lacunes et des repeints sont nombreux dans la partie supérieure.
Les cercueils des XXVe et XXVIe dynasties Le couvercle du cercueil (inv. H 2315, MGL 2883), en bois peint et verni, vraisemblablement daté de la XXVe dynastie (vers 770-655 avant J.-C.), a appartenu au « chef de la police du domaine d’Amon » (ḥry s‘šȝ n pr Jmn) Panypé, fils de Djeddjéhoutyi(ou)efankh et de la « maîtresse de maison » Neskhonsoupachered (Fig. 6) 4. Il provient du Cabinet de la Ville où il a dû entrer entre 1816 et 1830 5. Si son origine géographique reste inconnue, il a certainement été fabriqué à Thèbes en raison de son style.
Ce couvercle en bois polychrome peint et verni correspond au type III A de David A. Aston qui est attesté entre 750 et 700 avant J.-C. et au design 1 des cercueils de la XXVe-XXVIe dynastie de Taylor, type qui devint obsolète au milieu du VIIe siècle avant J.-C. (Aston, 2009 : 284 ; Taylor, 2003 : 114 & pl. 61-62). Sa décoration ressemble à première vue fortement à celle d’un cartonnage de la XXIIe dynastie. En effet, on retrouve notamment un bélier ailé sur la poitrine, au-dessous un faucon aux ailes déployées et, au milieu des jambes, un fétiche d’Abydos. De surcroît, un scarabée portant un disque solaire est représenté au sommet de la tête (Fig. 7). Par ailleurs, les « bretelles » rouges, des bandes de cuir qui étaient passées au cou des momies et croisées au niveau de leur torse, sont des éléments décoratifs fréquemment attestés sur les cercueils entre la fin de la XXIe dynastie et le début de la suivante puis rencontrés plus sporadiquement 6.
En revanche, la représentation sous les pieds de la cuve du taureau Apis portant sur son dos la momie, en direction de la droite, a été introduite au début de la XXVe dynastie (Fig. 8) 7. Une datation tardive de ce cercueil est corroborée par la forme des cônes d’onguents représentés hauts, étroits et flanqués de deux côtés imitant de la matière végétale. Ils correspondent au type 3 de la typologie de Taylor (2003 : 101), qui n’est pas attesté avant la XXVe dynastie. De même, la graphie du nom Osiris inscrite sur l'extérieur du couvercle n'est pas attestée avant la fin du VIIIe siècle avant J.-C. (Leahy, 1979).
Le couvercle du cercueil de la « maîtresse de maison » Tadinakht (inv. H 2314, MGL 2887) provient d’une collection particulière 8. Lors de son achat par le musée des Beaux-Arts en 1823 probablement, ce cercueil était composé de trois éléments : un cercueil extérieur (cuve et couvercle), en très mauvais état, et un cercueil intérieur dont le couvercle est le seul élément actuellement conservé 9. La momie qu’il contenait a alors été partiellement débandelettée par M. Trolliet, professeur d’anatomie à l’école des Beaux-Arts. Le couvercle, en bois peint, est décoré de figures polychromes sur un fond blanc. Sur la poitrine, la déesse Nout est représentée agenouillée et ailée. Au-dessous, le décor est organisé en registres horizontaux. Le premier est décoré d’une scène de jugement devant le tribunal d’Osiris avec la pesée du cœur de la défunte. La partie inférieure du couvercle comporte, au centre, deux vignettes représentant le dieu Sokar ou le défunt étendu sur un lit, et, au-dessous, le fétiche d’Abydos de petite taille. De chaque côté du fétiche, figurent des divinités représentées symétriquement. De la même manière que sur les cercueils de la XXIIe dynastie, le décor fait une large place aux images, les textes étant réduits au minimum. Il s’agit du type III B design 4 des cercueils intérieurs bivalves défini par Aston et Taylor (Aston, 2009 : 287 ; Taylor, 2003 : 115 & pl. 65) qui devint rare après la moitié du VIIe siècle avant J.-C. La décoration de ce couvercle est très proche de celle du cercueil de Djedmontefankh (BM EA 25256) qui date du début du VIIe siècle avant J.-C. Par conséquent, notre ensemble de cercueil semble avoir été fabriqué à la fin de la XXVe ou au début de la XXVIe dynastie. Enfin, le cercueil en bois peint de Khaempachemesou (inv. 1969-179, Cabinet des Médailles n° 16, musée du Louvre E 13031) a été rapporté d’Égypte par Frédéric Caillaud 10. Il a été déposé au Louvre en 1907, puis au musée des Beaux-Arts de Lyon en 1969. La momie n’a pas été retrouvée. Son état de conservation moyen ne permet pas une lecture de la totalité de sa décoration 11. Néanmoins, à l’aide des dessins réalisés au XIXe siècle, on peut préciser certaines de ces caractéristiques : le défunt porte une perruque tripartite, un collier ousekh et la déesse Nout ailée est représentée au niveau de sa poitrine. Deux registres peu lisibles figurent sous cette déesse dont la scène de la pesée de l’âme. Au-dessous, le décor est organisé en registres horizontaux de part et d’autre d’un axe médian constitué d’une vignette représentant le défunt couché sur un lit surmontant un texte en plusieurs colonnes. Les pieds sont ornés du taureau Apis portant le défunt sur son dos. Quant au dos de la cuve, il est décoré d’un large pilier djed (design 1 de Taylor), dans la continuité de la tradition des cartonnages de la XXIIe dynastie (Taylor, 2003 : 115). Ajoutons que l’intérieur du couvercle et de la cuve sont recouverts d’une toile de lin naturelle. Une couche de tissu est également visible sur l’extérieur de la cuve, sous les pieds, aux endroits où la décoration est partie. Ce schéma décoratif correspond au type III B d’Aston et au design 3 des couvercles des cercueils intérieurs bivalves de Taylor (Aston, 2009 : 285 ; Taylor, 2003 : 114). Selon l’ensemble de ces caractéristiques, ce cercueil date de la fin de la XXVe dynastie ou de la première moitié de la XXVIe dynastie 12, vraisemblablement à partir de 650 avant J.-C. en raison de l’alternance de couleurs du fond (Aston, 2009 : 287). Un cartonnage de la fin de la XXIIe dynastie au début de la XXVe dynastie Le cartonnage (inv. H 2313 13, Cabinet des médailles n°7 et Louvre E 13022), une toile de lin stuquée et peinte polychrome, a été transféré du musée Guimet de Lyon au musée des Beaux-Arts en 1969. Il est paré d’une perruque bleue avec un bandeau. Sous le collier ousekh, figure un faucon à tête de bélier, les ailes déployées. Au-dessous, il y a deux groupes symétriques avec deux serpents uraei et les quatre fils d’Horus. Un second faucon étend ses ailes sur l’abdomen. La partie basse est divisée en deux par un fétiche d’Abydos. Les registres qui s’y trouvent comportent les figures ailées d’Isis et de Nephthys, une paire de faucons d’Horus de Behedet et, sur les pieds, un chacal assimilé à Oupouaout. Ce cartonnage anonyme, sans inscription, correspond au type 2 B de la typologie de Taylor qui peut être daté de la fin de la XXIIe dynastie au début de la XXVe dynastie, soit entre la seconde partie du IXe siècle et la fin du VIIIe siècle avant J.-C. (Taylor, 2003 : 106). Cette datation tardive est corroborée par la forme de ses cônes d’onguents de type 2, qui présentent une bipartition et sont flanqués de matière végétale au contour irrégulier (Taylor, 2003 : 101). De même, l’allure particulière du deuxième faucon, au corps représenté de trois quarts, laissant une partie du ventre apparente, se retrouve sur plusieurs cartonnages datant de la fin du IXe et du début du VIIIe siècle avant J.-C. (Payraudeau, 2018 : 428).
Le cartonnage et la cuve d’un cercueil du musée des Confluences Le cartonnage (inv. 90001174) appartenait à un homme nommé Payba, fils de Khonsouiou, sans titre connu 14. Conservé actuellement dans les réserves du musée des Confluences, il provient du musée Guimet d’histoire naturelle de Lyon. Son origine géographique n’est pas renseignée ; cependant, son décor est typique des cartonnages de momies fabriqués dans le nord de la Moyenne Égypte et la région memphite de la XXIIe au début de la XXVe dynastie (Taylor, 2009 : 379 & 387-400). Ce cartonnage stuqué et peint polychrome est constitué de huit couches de tissu encollées. Le défunt est représenté portant une perruque tripartite bleue avec un liseré jaune, un visage rouge et un large collier ousekh constitué de douze rangs de perles florales multicolores d’où sortent ses mains fermées, sculptées en relief (Fig. 9). Ses mains sont ornées d’une sorte de « mitaine » avec des motifs à carreaux noirs et blancs. Au-dessous, figure un faucon à tête de bélier tenant des signes chen dans ses serres. La partie inférieure du cartonnage est pourvue d’un fond blanc, sans motif, mis à part une colonne centrale d’inscription noire entourée de deux liserés bleus. Elle contient une formule d’offrande adressée à Rê-Horakhty, à Atoum, à Ptah-Sokar-Osiris et à Anubis 15. Une large bande rouge au niveau des pieds fait office de socle.
La cuve du cercueil (inv. 90000835) n’est que partiellement conservée 16. Sur les fragments conservés dans les réserves du musée des Confluences, la surface intérieure en bois peint est divisée en compartiments, la décoration incluant des images et du texte. Elle correspond au design 2 de la typologie de l’intérieur des surfaces des cercueils intérieurs développée par Taylor (2003 : 116). Ce type reste principalement représenté par des cercueils de la XXVe dynastie mais aussi par quelques cercueils de la XXVIe dynastie. Quant à l’extérieur de la cuve, il s’agit aussi du design 2 de Taylor (2003 : 115) : des colonnes verticales au centre sont flanquées de texte horizontal sur les côtés. Ce design est attesté durant les XXVe et XXVIe dynasties. Enfin, selon J.-Cl. Goyon, l’onomastique, des critères épigraphiques et typographiques permettent de dater cet ensemble de cercueils de la phase médiane de la XXVIe dynastie, aux environs de 600 avant J.-C. (Goyon, 2014 : 281-288). Cet objet sort donc des limites chronologiques de cet article. Il est possible que d’autres cercueils égyptiens de la Troisième Période intermédiaire soient conservés au musée des Confluences. Seul un examen approfondi de l’intégralité des surfaces de la totalité des cercueils de ce musée permettra de le dire.
La cuve du cercueil du musée Testut-Latarjet de Médecine et d’Anatomie En 1904, Louis Lortet a rapporté en France 17 la cuve du cercueil jaune du « prêtre-pur d’Amon-Rê, roi des dieux, maître de la marche dans toute sa place » (w‘b Jmn-R‘ nswt nṯrw nb nmtt m st.f nb(t)), Kamenichéry (Fig. 10). Cet anthroponyme signifie : « Kamen-le-Jeune » ou « Le petit aveugle/borgne » 18. Ce cercueil de provenance thébaine est conservé au musée Testut-Latarjet (sans numéro d’inventaire). La momie ptolémaïque qu’il contenait jusqu’il y a une vingtaine d’année 19 et la décoration de la cuve ont été étudiées dans une thèse de médecine, soutenue en 1995, par Jean-Michel Pontier, conseillé par le professeur Jean-Claude Goyon pour la partie égyptologique (Pontier, 1995) 20. Les scènes peintes sur l’extérieur de la cuve restent classiques pour la XXIe et le début de la XXIIe dynastie : sur le côté droit, sont principalement représentés Thot ibiocéphale au niveau des épaules, Osiris assis sur un trône placé sur un long serpent (sans le traditionnel double escalier), les quatre fils d’Horus et la déesse de l’arbre, Nout, abreuvant le défunt, au niveau des pieds (Fig. 11 et 12). Sur le côté gauche, la peinture est partie par endroits, laissant le bois à nu. Les vignettes comportent, entre autres, le dieu Chou soulevant Nout (sans la représentation habituelle de Geb), ainsi que la vache Hathor sortant de la montagne thébaine (Fig. 10 et 13). Le cintre de la cuve, correspondant à l’emplacement de la tête de la momie, est ornée de la déesse Maât, les bras levés. Sur la planche des pieds, on trouve un large pilier-djed 21. Le fond de la cuve est peint en rouge cerise sans motif. La décoration de cette cuve avec un haut degré de densité des motifs décoratifs et un assez grand nombre de colonnes d’inscription correspond au type B de Niwiński attesté du pontificat du grand prêtre d’Amon Menkheperrê (1045-992 avant J.-C.) aux premiers rois de la XXIIe dynastie (945-715 avant J.-C.) (Niwiński, 1988 : 87 & 89). Par conséquent, cette cuve a très vraisemblablement été fabriquée du milieu de la XXIe dynastie au début de la XXIIe dynastie.
Le cercueil du musée d’Histoire de la Médecine et de la Pharmacie Le cercueil initialement conservé au musée d’Histoire naturelle médicale puis transféré vers 1910-1912 au musée d’Histoire de la Médecine et de la Pharmacie (inv. UNIV-LYON1.Mhmp.2016.02000, ancien n° 873) provient également du fonds Lortet 22. Ce dernier l’a sans doute rapporté de la région thébaine, à la fin du XIXe siècle 23. Ce cercueil stuqué, peint et verni présente des repeints et est recouvert d’une couche de patine noire. Il appartenait à la « maîtresse de maison d’Amon » (sic) (nbt pr n Jmn) Iâakhonsou. Cette dernière est représentée pourvue d’une perruque tripartite bleue quadrillée, surmontée d’une dépouille de vautour. Au-dessous du pectoral, figure la déesse Nout, les ailes étendues. Puis on trouve des registres horizontaux séparés par des lignes de texte hiéroglyphique avec, notamment, la scène de la pesée du cœur, en haut. Les vignettes centrales au niveau des jambes comportent le faucon Sokar momifié, la momie de la défunte couchée sur un lit, entourée par les ailes étendues de divinités protectrices, et le fétiche d’Abydos. Les scènes latérales comportent des groupes de divinités symétriques. L’iconographie domine sur la décoration de ce couvercle, alors que les inscriptions sont réduites au minimum. (Le nom et la titulature de la défunte, ainsi qu’une formule d’offrande incomplète ont été inscrits sur l’extérieur des pieds de la cuve). Ce cercueil correspond au type III B (couvercle de design 4) d’Aston et de Taylor et date de la XXVe ou du début de la XXVIe dynastie (Taylor, 2003 : 115 ; Aston, 2009 : 287). Les recherches médicales entreprises sur la momie qu’il contenait ont, entre autres, permis de déterminer qu’il s’agissait d’une femme d’une quarantaine d’années souffrant de douleurs lombaires, d’une fracture nasale et d’arthrose (Enselme, 1966 : 922 ; Despierres et Bouchet, 1987 : 12-13) 24. |
Les musées lyonnais conservent un important ensemble de cercueils et cartonnages de la Troisième Période intermédiaire que cette contribution a permis de mieux documenter. Ainsi, cet article précise leur provenance, l’identité de leur propriétaire et affine la datation de ces objets à l’aide des typologies à notre disposition (Aston, Elias, Niwiński et Taylor). Ces cercueils et cartonnages, datés de la XXIe à la XXVe-XXVIe dynastie, appartenaient majoritairement à des hommes et à des femmes d'origine assez modeste au sein des élites thébaines. Les titulatures, quand elles nous sont parvenues, nous révèlent que ces derniers travaillaient pour le domaine d'Amon. Une étude plus poussée pourra être menée à l’avenir en établissant d’autres rapprochements avec des cercueils et cartonnages bien datés. En outre, il serait également utile de publier des études complètes des cercueils inédits, en particulier de ceux conservés au musée Testut-Latarjet de Médecine et d’Anatomie et au musée d’Histoire de la Médecine et de la Pharmacie qui auraient besoin d'être restaurés.
Que Geneviève Galliano, conservatrice en chef du Département des Antiquités du musée des Beaux-Arts de Lyon, soit vivement remerciée pour m’avoir confié l’étude des cercueils de la XXIe dynastie, dès mon Master, et pour m’avoir permis d’accéder à la documentation nécessaire pour pouvoir rédiger cet article. Je remercie également Karine Madrigal d’avoir pris le temps de me montrer les réserves du musée des Confluences. En outre, je suis reconnaissante envers Alain Dautant d’avoir localisé le cercueil égyptien du musée Testut-Latarjet de Médecine et d'Anatomie. À ce propos, je remercie Jean-Christophe Neidhardt, archiviste, conservateur du musée et des collections de la Société nationale de Médecine et de Sciences médicales de Lyon, pour les informations qu’il m'a données sur cet objet et de m’avoir permis de le photographier. De surcroît, je remercie Hélène Virenque de m’avoir signalé la présence d’un cercueil égyptien au musée de l’Histoire de la Médecine et de la Pharmacie, Mickaël Moretti, ancien assistant de collection en charge de la conservation du patrimoine scientifique de Lyon 1, pour les renseignements qu’il m’a procurés et Fabienne Dureuil, directrice générale adjointe, de m’avoir ouvert les portes de ce musée. Je remercie Patricia Rigault de m’avoir permis de mentionner les cercueils du musée du Louvre en dépôt à Lyon. Enfin, que Raphaële Meffre et Charlotte Hunkeler soient remerciées pour leurs relectures attentives de cet article. |
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France Jamen |
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