Paul Petitclerc (1840-1937) et sa contribution à la découverte des vertébrés jurassiques de la Haute-Saône

 

Paul Petitclerc (1840-1937) and his contribution to the discovery of the Jurassic vertebrates of the Haute-Saône department (France)

 

  • Arnaud Brignon

 

 


Résumé / Abstract


Cet article s’intéresse au géologue et paléontologue vésulien Paul Petitclerc. Sa collection paléontologique, particulièrement riche en fossiles du Jurassique, comptait parmi les plus importantes constituées en France à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. L’histoire de cette collection est détaillée avec un intérêt particulier pour les vertébrés mésozoïques qu’elle contenait. La contribution de Petitclerc à la connaissance et à la découverte des vertébrés du Toarcien de la Haute-Saône est passée en revue au travers de ses travaux scientifiques et des spécimens qu’il avait réunis dans sa collection ou observés dans celles d’amateurs francs-comtois.

Mots clés: Histoire de la paléontologie - Actinopterygii - Ichthyosauria - Toarcien - Jurassique - Franche-Comté

This article focuses on the palaeontologist and geologist Paul Petitclerc from Vesoul (region of Franche-Comté, France). His palaeontological collection, particularly rich in Jurassic fossils, was among the most important ones in France at the end of the 19th and the beginning of the 20th centuries. The history of this collection is detailed with a particular interest in the Mesozoic vertebrates it contained. Petitclerc's contribution to the knowledge and the discovery of vertebrate remains from the Toarcian of the department of Haute-Saône is reviewed through his scientific work and the specimens he had gathered in his collection or observed in those of other collectors.

Keywords : History of palaeontology - Actinopterygii - Ichthyosauria - Toarcian - Jurassic - Franche-Comté

 

 


Plan


Introduction

À propos du portrait de Paul Petitclerc

Biographie

Les collections Petitclerc

La découverte des vertébrés toarciens de Haute-Saône

Conclusion

Remerciements

Références bibliographiques

 


Texte intégral


 

Introduction

 

Lors d’une vente aux enchères, qui s’est déroulée le 18 mars 2018 à Saint-Dié-des-Vosges, a refait surface une huile sur toile représentant le portrait du géologue Paul Petitclerc (Fig. 1). Cette peinture n’était jusqu’alors connue que par une reproduction en noir et blanc de mauvaise qualité qui accompagnait une notice biographique publiée en 1938, juste après sa mort, dans le Bulletin de la Société d’Agriculture, Lettres, Sciences et Arts du département de la Haute-Saône (SALSA) (Duchet-Suchaux, 1938 ; Didier, 1938). Cette redécouverte est un prétexte pour revenir plus longuement sur cette personnalité, de détailler sa contribution à la paléontologie et en particulier à la connaissance des vertébrés jurassiques de Franche-Comté.

 

À propos du portrait de Paul Petitclerc

La peinture porte l’inscription : « à Paul Petitclerc, géologue, son compatriote et ami, J. A. Muenier 1917 » (Fig. 1). Paul Petitclerc, alors âgé de 77 ans environ, y est représenté assis, de profil. Elle est l’œuvre de l’artiste Jules Marie Alexis Muenier. Né à Lyon le 29 novembre 1863 et mort à Coulevon (Haute-Saône) le 17 décembre 1942, Muenier fit ses études à l'École des Beaux-Arts de Paris. Il quitta la capitale en 1885 pour se rendre à Coulevon, près de Vesoul, où ses beaux-parents avaient fait l’acquisition de la propriété du célèbre peintre Jean-Léon Gérôme (1824-1904), originaire de Vesoul, dont Muenier était l’élève. Muenier passa l'essentiel de sa vie en Haute-Saône. Nommé chevalier de la légion d’honneur en mai 1895, il fut reçu officier en 1912 1. Élu membre titulaire de l'Académie des Beaux-Arts en 1921, Muenier fut également conservateur du Musée de Vesoul, l’actuel Musée Georges-Garret.

Fig. 1. Portrait de Paul Petitclerc vers l’âge de 77 ans, huile sur toile de Jules-Alexis Muenier (29 novembre 1863, Lyon – 17 décembre 1942, Coulevon), dimension 45,5 cm × 38 cm. Collection privée. © A. Brignon.

Fig. 2. Portrait de Paul Petitclerc à l’âge de 85 ans, tirage photographique sur papier cartonné, photographie faite en 1925 à Larians (Haute-Saône). Archives départementales de la Haute-Saône, Vesoul, cote 56 J 6.

 

Biographie

Paul Petitclerc est issu d’une vieille famille de notables de Vesoul (Fig. 2). Il naquit dans cette ville le 4 mai 1840 2. Son grand-père paternel, Claude Petitclerc, né le 20 novembre 1768 3, décédé le 3 août 1843 4, notaire de profession, avait été membre du conseil municipal en 1815, adjoint au maire en 1817 et maire de Vesoul de 1829 à 1830 avant de recevoir la Légion d’Honneur le 30 août 1830. Son père, Jean Charles Augustin Petitclerc, né le 1er pluviôse an 9 (21 janvier 1801) 5, décédé le 30 juillet 1892 6, était également notaire. Il fut maire de Vesoul entre 1866 et 1870, à la fin du Second Empire. Sa mère, Jeanne Célestine Octavie Thomas, née le 4 thermidor an 12 (23 juillet 1804) à Bouhans-lès-Montbozon, était la fille d’un avocat 7. Paul Petitclerc partagea son enfance avec ses quatre sœurs aînées, Augustine (1828-1902) 8, Jeanne Octavie (1830-1897) 9, Eugénie (1832-1910) 10 et Marie (1836-1904) 11. Il fit ses études au collège de Vesoul. Ayant peu de facilité pour les lettres qui constituaient pourtant le noyau principal de l’enseignement au milieu du XIXe siècle, son intérêt se porta très tôt sur l’histoire naturelle. Inquiets des évènements insurrectionnels de 1848, ses parents l’envoyèrent en dehors de la ville chez un ami. Ce dernier lui montra des fossiles qui suscitèrent chez le jeune garçon une passion qui n’allait plus le quitter. Dès l’âge de dix ans, Petitclerc commença à prospecter la région à la recherche de fossiles.

Après ses études, il travailla comme clerc au côté de son père durant six années qui furent les plus ennuyeuses de sa vie. Son père consentit finalement à ce que son fils se consacrât pleinement à l’histoire naturelle. Jouissant il est vrai d’une certaine aisance financière et matérielle qui le préservait de travailler pour gagner sa vie, Paul Petitclerc partageait son temps entre la chasse et ses excursions géologiques dans la région où il découvrit plusieurs gisements inédits. Il allait souvent dans les Deux-Sèvres pour récolter des fossiles. Il visita la Suisse, l’Italie, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg, l’Angleterre, l’Autriche, l’Espagne et le territoire de l’actuelle République tchèque d’où il rapportait des fossiles pour enrichir sa collection. Il publia une quarantaine d’articles et de monographies sur la géologie et la paléontologie ainsi que quelques notes et opuscules sur la botanique, l’ornithologie et la chasse. Paul Petitclerc s’intéressa très tôt à la photographie et créa à Vesoul une société de photographes dans le but d’initier les amateurs et d’organiser des expositions. Il réalisait lui-même les clichés des fossiles qui illustraient ses ouvrages (voir à titre d’exemple Petitclerc, 1915).

En 1876, Petitclerc entra à la Société d’Agriculture, Sciences et Arts du département de la Haute-Saône 12 dont il fut un membre particulièrement actif en tant que conservateur du musée de l’association. Bienfaiteur de la SALSA, il lui offrit en 1905 le rez-de-chaussée de sa maison, rue du Lycée 13 à Vesoul, pour y établir son siège, qu’elle conservera pendant cinquante ans (Sonet, 2005). En 1878, Il fut reçu membre de la Société Géologique de France dont il fut vice-président et le doyen. Il fut également nommé membre correspondant de la Société d’Émulation du Doubs en 1881 et membre de la Société belge de Géologie, de Paléontologie et d’Hydrologie. Paul Petitclerc était en relation avec de nombreux géologues et paléontologues dont il sollicitait l’expertise pour identifier des spécimens. Dans une lettre datée de 1885, il demandait l’opinion d’Ernest Munier-Chalmas (1843-1903) sur des fossiles découverts dans le Jurassique inférieur et exhortait son correspondant à les conserver s’ils présentaient un intérêt pour lui (Fig. 3). Dans une lettre envoyée l’année suivante au paléontologue Henri Douvillé (1846-1937), spécialiste des ammonites, Petitclerc désirait savoir si des formes trouvées dans l’Oxfordien lui étaient connues (Fig. 4). Les spécimens appartenant au musée de la SALSA, le géologue vésulien avait joint à sa lettre une planche photographique réalisée par ses soins.


Fig. 3. Lettre de Petitclerc à Ernest Munier-Chalmas datée du 16 mai 1885, Laboratoire de Paléontologie, MNHN, Ms PAL 7 (1),
archives d’Ernest Munier Chalmas, correspondance. © Muséum national d’Histoire naturelle, Paris.

 


Fig. 4. Lettre de Petitclerc à Henri Douvillé datée du 15 mai 1886, Laboratoire de Paléontologie, MNHN, Ms PAL 9 (3), archives Henri Douvillé, correspondance. A, première page ; B, planche photographique réalisée par Petitclerc accompagnant la lettre.
© Muséum national d’Histoire naturelle, Paris.

 

Paul Petitclerc fut nommé officier de l’Instruction publique en 1910. Pour le don de ses collections à la Faculté des Sciences de Paris et au lycée Gérôme de Vesoul ainsi que pour l’ensemble de ses travaux scientifiques, il reçut la Légion d’honneur en octobre 1923 14. Il s’éteignit le 17 novembre 1937, à l’âge de 97 ans. Une rue de Vesoul porte aujourd’hui son nom.

Les collections Petitclerc

Petitclerc amassa un grand nombre de fossiles au cours de ses excursions géologiques en Haute-Saône et dans les départements limitrophes de la Haute-Marne et du Doubs, comme le reflètent ses publications (Didier, 1938). Plus largement, il enrichit sa collection de spécimens récoltés au cours de ses séjours à l’étranger et en France, en particulier dans les Deux-Sèvres. Il faisait également des échanges avec d’autres paléontologues comme en attestent les petites annonces qu’il publiait dans la Feuille des jeunes naturalistes (Anonyme 1879). En 1879, il proposait comme monnaie d’échange un grand nombres d’échantillons du Rhétien de la Haute-Marne, du Lias de l’Isère et de la Haute-Saône, du Bajocien et du Callovien de la Haute-Saône, de l’Oxfordien du Doubs, de l’Ardèche et de la Haute-Saône, du Kimméridgien de la Haute-Saône et de l’Ardèche, du Néocomien de l’Yonne, de l’Albien de l’Ain et du Doubs et des dents d’ours des cavernes de Haute-Saône. À titre d’exemple, il reçut une collection de fossiles de la part du musée géologique de Lausanne en échange d’un don qu’il avait fait en 1882 de 250 fossiles tertiaires et jurassiques de France (Renevier, 1883 : 37, 39). Il avait constitué des collections particulièrement importantes d’ammonites du Callovien des Deux-Sèvres (Petitclerc, 1915) et de crustacés décapodes préservés dans des concrétions siliceuses, ou « chailles », de l’Oxfordien de la Haute-Saône (Petitclerc, 1927 ; Charbonnier et al., 2012).

Soucieux de la préservation de ses collections paléontologiques et minéralogiques après sa mort, Petitclerc organisa leur distribution à différents organismes comme la Faculté des Sciences de Paris, installée à l’époque à la Sorbonne, l’Université de Besançon, le Lycée Gérôme à Vesoul et la SALSA. Le gros de sa collection paléontologique fut offerte par legs testamentaire à Faculté des Sciences de Paris. Il fit part de son intention à Émile Haug (1861-1927), professeur de géologie de cette institution le 11 décembre 1921 15. Ce dernier s’étant assuré auprès du Doyen de la Faculté qu’il disposerait d’un espace suffisant pour accueillir cette collection, il accepta avec gratitude cette proposition dans une lettre à Petitclerc datée du 16 décembre 1921. Haug y déclarait :

« J’ai si souvent entendu parler de votre collection comme de l’une des plus belles qui soient en France et les séries jurassiques qu’elle renferme offrent pour moi un tel intérêt que je me demandais avec anxiété ce que deviendraient un jour ces richesses. Je suis pleinement rassuré quant à l’avenir et j’attendrai sans impatience le moment, que j’espère encore très éloigné, où nous entrerons en possession de votre legs » 16.

Voulant s’assurer que sa collection fût transférée dans les meilleurs conditions et décharger ses neveux de cette lourde responsabilité, Petitclerc décida finalement de la donner de son vivant. Il était alors âgé de 94 ans. C’est Charles Jacob (1878-1962), le successeur de Haug à la chaire de géologie de la Faculté des Sciences, qui supervisa son emballage et son transport jusqu’à la Sorbonne. Les collections de la Faculté déménagèrent plus tard sur le campus de Jussieu au sein de l’Université Pierre et Marie Curie (UPMC), Paris 6 (Brignon, 2017a) qui a rejoint depuis 2018 la nouvelle entité de Sorbonne Université (SU). Les biographies de Petitclerc indiquent parfois par erreur que la collection fut donnée au Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN) (Duchet-Suchaux, 1938 ; Sonet, 2005). Ceci étant dit, il est vrai que le MNHN possède aujourd’hui plusieurs spécimens de la collection Petitclerc. Quelques types et figurés d’ammonites jurassiques passèrent notamment de l’UPMC au MNHN en 1991 (numéro d’entrée 1991-14). Les anciens registres d’entrée de cette institution font également état d’une « plaque calcaire avec nombreux Cyclas thirriai 17 de l’Oligocène de Neuvelle-lès-la-Charité (Haute-Saône) » 18 offerte par Petitclerc en 1906.

Les collections Géosciences de SU possèdent aujourd’hui un important ensemble de fossiles de la collection Petitclerc. Outre quelques actinoptérygiens du Toarcien de Haute-Saône dont il est question plus loin, les vertébrés mésozoïques sont notamment représentés par deux vertèbres d’ichthyosaure du Jurassique inférieur d’Entrages (Alpes-de-Haute-Provence) 19, un groupe d’écailles de Lepidotes sp. du Toarcien d’Holzmaden (Allemagne) 20, deux Leptolepis du Tithonien de Solnhofen (Allemagne) 21, des dents d’actinoptérygiens du Crétacé inférieur de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) 22, deux dents de Lamniformes du Turonien de Saint-Paterne-Racan (Indre-et-Loire) 23. À noter également un intéressant fragment de crâne de crocodiliens marin (Thalattosuchia) du Callovien inférieur de Doux dans les Deux-Sèvres 24. L’étiquette manuscrite de la main de Petitclerc qui accompagne le spécimen indique qu’il a été découvert en janvier 1928 dans la couche 11 à « pain de noix gris » de la carrière Molet, une carrière que le géologue vésulien avait étudiée en détail (Petitclerc, 1924).

Plusieurs restes de vertébrés du Rhétien de Provenchères-sur-Meuse de la collection Petitclerc étaient également présents à l’UPMC et au Laboratoire de Géologie historique et de Paléontologie de l’Université de Besançon (Cuny, 1995). Les spécimens de cette dernière institution sont aujourd’hui conservés au Muséum de Besançon dans l’enceinte de la Citadelle, après avoir transité un temps, du moins pour une partie, par le Musée Georges-Cuvier de Montbéliard 25. Ils comprennent notamment des dents et des épines dorsales d’Hybodontiformes et de Ctenacanthiformes, des dents et des écailles d’actinoptérygiens, des plaques dentaires de Ceratodus (Dipnoi), des vertèbres d’ichthyosaures et des restes osseux et des dents de divers reptiles. C’est un article publié en 1868 qui avait fait connaître ce gisement (Sautier, 1868). Il est à noter cependant que ce site avait été étudié dès 1855 par Alcide d’Orbigny (1802-1857) qui l’attribuait à son étage « Saliférien », correspondant au Trias supérieur. Le célèbre paléontologue avait en effet effectué plusieurs voyages en France pour échantillonner les fossiles caractéristiques de chaque étage géologique dans le but d’établir des échelles biostratigraphiques (Fischer & Lauriat-Rage, 2002). Les anciens registres d’entrée du MNHN indiquent que d’Orbigny avait visité, entre septembre et novembre 1855, les départements de la Haute-Marne, de la Haute-Saône, de la Côte-d’Or, de l’Yonne, de la Nièvre et du Cher 26. Parmi les fossiles récoltés à « Pronvenchère [sic] (Hte Marne) » figuraient notamment 3 « dents d’Hybodus », 3 « ichthiodorulites » (épines dorsales de chondrichthyens), 7 restes de poissons osseux (dents, écailles), « une phalange ongueale » et « un os long » de « Pterodactylus », un os attribué à un oiseau et 10 restes de « sauriens » (os longs, vertèbres, fragment de mâchoire, dents).

Paul Petitclerc fit également don au lycée Gérôme de Vesoul d’une collection de roches et de minéraux. Par disposition testamentaire, il laissait au lycée, sa riche bibliothèque scientifique. Dans une lettre datée du 6 novembre 1922, le proviseur du lycée, M. Racle, remercia le bienfaiteur de l’école en ces termes :

« Vos belles et précieuses collections ne manqueront pas d’intéresser vivement les générations de jeunes gens qui se succéderont dans cette maison, elles contribueront à la force de leur esprit, à leur culture générale, le bienfaiteur qui les en a dotés aura droit à leur perpétuelle reconnaissance. Par elles ils atteindront à une connaissance plus parfaite de la Terre, de son sol de sa composition, ils seront incités à rechercher les causes des phénomènes qui ont produit ces roches et ces minéraux » 27.

Dans les années 1960, le lycée perdit son cycle secondaire et devint un collège. Ce dernier ferma définitivement ses portes en 2019. L’armoire contenant les minéraux de la collection Petitclerc a été transférée au Muséum de Besançon (Apolline Lefort, comm. pers.). Petitclerc faisait don régulièrement de fossiles au musée de la SALSA dont il était le conservateur (Petitclerc, 1881, 1885b, 1886, 1887). Vers la fin de sa vie, il offrit également à cette association une armoire vitrée contenant des fossiles aujourd’hui en dépôt au Musée Georges-Garret (Fig. 5). L’armoire contient 31 plateaux classés par étages géologiques. Cette collection contient presque exclusivement des invertébrés, excepté une intéressante vertèbre de dinosaure prosauropode du Rhétien de Provenchères-sur-Meuse.


Fig. 5. Collection de fossiles offerte à la Société d’Agriculture, Lettres, Sciences et Arts du département de la Haute-Saône,
Musée Georges-Garret, Vesoul. A, armoire vitrée habritant la collection ; B, note de Petitclerc accompagnant la collection ;
C, tiroir des fossiles du Bajocien ; D, tiroir des fossiles du « Séquanien » (Oxfordien supérieur – Kimméridgien inférieur).

 

Passioné de chasse, Petitclerc avait également constitué une collection d’oiseaux empaillés. Comme pour ses fossiles et ses minéraux, il voulut en assurer la survivance et l’offrit à son ami Jean Demandre, passioné comme lui de chasse (Duchet-Suchaux, 1938). Elle fut placée au château de Filain (Haute-Saône) avant d’être léguée en 1994 par la fille de Demandre à la SALSA qui, à son tour, la mit en dépôt au Musée Georges-Cuvier de Montbéliard en 2013.

 

La découverte des vertébrés toarciens de Haute-Saône

En Franche-Comté, dans la chaîne du Jura, les régions préjurassiennes et la dépression sous-vosgienne, le Toarcien inférieur est représenté par la formation des Schistes-carton située dans la sous zone à Harpoceras falcifer, correspondant à la partie supérieure de la zone à Harpoceras serpentinum (Contini & Lamaud, 1978 ; Hanzo, 1980). Ces argilites calcaires feuilletées d’un gris noirâtre contiennent également des bancs calcaires localement riches en débris de poissons et de reptiles (Pharisat et al., 1993). En Bourgogne, en Normandie et dans d’autres régions de France, des horizons similaires ont également livrés une riche faune de vertébrés fossiles (Arambourg, 1935 ; Wenz, 1967 ; Lamaud, 1979 ; Brignon 2018a). Des nodules marno-calcaires très fossilifères, appelés « miches », se rencontrent souvent au sommet des Schistes-carton (Dreyfuss, 1933a, 1933b). Ces « miches » toarciennes étaient célèbres au XIXe siècle en Normandie, dans la région de Curcy-sur-Orne et La Caine pour avoir livré des restes de vertébrès dans un état exceptionnel de conservation (Eudes-Deslongchamps, 1864 ; Wenz, 1967 ; Brignon, 2018b). C’est également dans une de ces concrétions qu’a été découvert en 1747 à Grandmont en Bourgogne le fameux « saumon pétrifié de Beaune » qui fut acquis par Buffon pour le Cabinet du Roi et qui servit d’holotype à Pachycormus macropterus (Blainville, 1818) (Brignon, 2017b). Il est à noter que les Schistes-carton, également appelés « schistes bitumineux » en Haute-Saône, furent exploités, notamment à Creveney, dans les années 1930 pour en extraire des hydrocarbures qui furent fièrement baptisés la « Natioline, le super-carburant français » (Lanoir, 1931 ; Barlot, 1933 ; Dreyfuss, 1934 ; Broquet, 1977 ; Huc, 1977) 28. Peu rentable, cette exploitation périclita rapidement.

Alors que les découvertes de poissons et de reptiles faites au XIXe siècle dans le Toarcien de Normandie et de Bourgogne étaient largement relayées dans la littérature scientifique de l’époque (Agassiz 1836 : vol. 2, 214-216, Eudes-Deslongchamps, 1863 ; Cotteau, 1865 ; Sauvage, 1874, 1875 ; Gaudry, 1892), celles faites en Franche-Comté sont restées relativement inaperçues. À la fin des années 1960, la monographie de Sylvie Wenz qui fait autorité sur les actinoptérygiens du Jurassique français ne mentionne aucun poisson jurassique franc-comtois (Wenz, 1967). Ce n’est qu’à partir de la fin des années 1970 que quelques découvertes furent signalées en Haute-Saône et dans le Doubs (Lamaud, 1977 ; Contini & Lamaud, 1978 ; Pharisat, 1993 ; Pharisat et al., 1993). Dans ce contexte, il est intéressant de revenir sur les premiers restes de vertébrés toarciens découverts en Franche-Comté et sur le rôle central joué par Paul Petitclerc dans la connaissance et la valorisation de ce matériel.

La première mention de restes de vertébrés trouvés dans le Toarcien de la Haute-Saône est consignée dans le catalogues de la collection paléontologique de la SALSA publié en 1879 par Paul Petitclerc et Albert Travelet (1847-1885) 29, ingénieur des Ponts et Chaussées. Il s’agissait d’une « empreinte de poisson » trouvée à Saulx où la formation des Schistes-carton affleure largement (Petitclerc & Travelet, 1879 : 5). Dans le premier supplément à ce catalogue, publié en 1880, Petitclerc et Travelet signalent un « beau spécimen d’Ichthyosaurus » presque complet. Il avait été trouvé dans « une de ces masses arrondies ou Septaria, composées de couches concentriques de calcaire marno-compacte, à cassure esquilleuse ou conchoïde et de couleur noirâtre, communes sur les territoires de Saulx, Flagy et Charmoille, où elles servent quelquefois de bornes pour limiter les propriétés » (Petitclerc & Travelet, 1880 : 6). Il est à noter que les collections de la SALSA possédaient d’autres restes de vertébrés du Mésozoïque, notamment des ossements de « sauriens » du Muschelkalk (Anisien-Ladinien) des environs de Lunéville (Meurthe-et-Moselle) et de Crailsheim (Allemagne), des dents de poissons dans des « schistes noirs et ferrugineux » du Muschelkalk de Chauffontaine (Meurthe-et-Moselle), des dents de chondrichthyens (Acrodus et Hybodus) et d’actinoptérygiens (Saurichthys et Sargodon) et des ossements de reptiles du Rhétien de Provenchères-sur-Meuse (Haute-Marne), des vertèbres et autres ossements d’ichthyosaure et de plésiosaure du Jurassique inférieur ou moyen de Grattery (Haute-Saône) et des minières de Voncourt (Haute-Marne), une dent de prétendu Placodus 30 du Jurassique supérieur du tunnel de Saint-Albin (Haute-Saône), des ossements de reptile du Kimméridgien de Besançon, route de Morre (Doubs), deux poissons du Kimméridgien de Cerin (Ain) et six de Solnhofen en Allemagne (Petitclerc & Travelet, 1879, 1880 ; Petitclerc, 1880, 1885b, 1887).

L’empreinte de poisson et l’ichthyosaure de Saulx sont datés du « Liasien (Lias moyen) » par Petitclerc et Travelet. En 1885, dans une note sur le « Lias supérieur » du gisement de Creveney, Petitclerc corrigea cette erreur, du moins en ce qui concerne l’ichthyosaure, en l’assignant au « Lias supérieur », autrement dit au Toarcien (Petitclerc, 1885a). Dans cette note, le géologue vésulien précisait que le spécimen dont la partie antérieure du crâne et la partie postérieure du corps étaient manquantes mesurait 61 cm de longueur, que le diamètre de son anneau sclérotique était de 61 mm, qu’il possédait 32 vertèbres, 34 côtes et une palette natatoire antérieure avec 22 phalanges visibles. Près de 40 ans plus tard, en 1923, Petitclerc (1923) publia la photographie d’un ichthyosaure dans un rognon oblong de 64 cm sur 33 cm qui faisait partie de sa collection (Fig. 6C). Le spécimen provenait du Toarcien de Creveney où il avait été trouvé ouvert par le milieu, à la surface du sol, dans un champ non loin de la gare. Petitclerc précisait que ce reptile constituait « une pièce rare et d’un haut intérêt, d’autant plus qu’elle est, pour la région, unique en son genre ». Compte tenu de cette remarque, des dimensions et des caractéristiques du spécimen de Creveney auquel il manque la partie antérieure du crâne et la partie postérieure du corps, il ne fait aucun doute qu’il s’agisse du même exemplaire que celui de Saulx mentionné par Petitclerc en 1880 et en 1885, les deux villages n’étant distants que de 1,7 km l’un de l’autre. Il semblerait donc que cet ichthyosaure à l’origine exposé dans les vitrines du musée de la SALSA dont Petitclerc était le conservateur ait été acquis par ce dernier pour sa propre collection. Ce spécimen n’a pas été retrouvé dans les collections de Sorbonne Université, ni dans celles du Musée Georges-Garret à Vesoul, ni enfin celles du Muséum de Besançon.

Dans la partie terminale du Toarcien inférieur à Harpoceras falcifer, les ichthyosaures sont représentés par Eurhinosaurus longirostris (Mantell, 1851) et plusieurs espèces appartenant aux genres Temnodontosaurus Lydekker, 1889 et Stenopterygius Jaekel, 1904 (McGowan & Motani, 2003). Le spécimen de Saulx/Creveney ne peut appartenir à l’espèce Eurhinosaurus longirostris caractérisée par des mandibules considérablement plus courtes par rapport au reste du crâne. Bien que la partie antérieure du spécimen soit manquante, ce qui rend impossible l’appréciation de la longueur relative du rostre, le rapport entre le diamètre de l’anneau sclérotique et la longueur de la portion de mandibule visible reste encore bien plus petit que ceux mesurés sur des crânes complets d’Eurhinosaurus longirostris (voir par exemple McGowan & Motani, 2003 : pl. 4). Le spécimen de Saulx/Creveney est en revanche typique du genre Stenopterygius avec des maxillaires inclinés vers le bas contrairement à ceux du genre Temnodontosaurus qui sont droits et alignés dans le prolongement des prémaxillaires. Par ailleurs, les mandibules et les prémaxillaires du spécimen sont fins et graciles, des caractéristiques rencontrées chez Stenopterygius alors que ces éléments sont beaucoup plus robustes chez Temnodontosaurus. Le genre Stenopterygius est représenté par plusieurs espèces présentes dans le Toarcien inférieur de Holzmaden, La Caine-Curcy en Normandie, du Luxembourg et d’Angleterre (Godefroit, 1994 ; McGowan & Motani, 2003 ; Mazin, 1993 ; Brignon, 2018b). Tant que le spécimen de Saulx/Creveney est perdu, une identification au niveau spécifique reste hasardeuse. L’animal devait avoir une longueur totale d’environ 1,3 ou 1,4 m, ce qui correspond à un individu jeune compte tenu des longueurs des représentants du genre Stenopterygius qui atteignent en moyenne 3 à 4 m.


Fig. 6. Titre (A) et figures (B, C) de l’article de Petitclerc (1923) intitulé Notes sur un poisson et un reptile fossiles, du Lias
supérieur de la Haute-Saône
. B, Lepidotes elvensis (Blainville, 1818), Toarcien inférieur, découvert en 1883 entre Saulx
et Creveney (Haute-Saône), ancienne collection Joseph Bertrand, propriétaire à Saulx, puis collection Petitclerc, enfin
Faculté des Sciences de Paris (actuelle Sorbonne Université). C, Stenopterygius sp., Toarcien inférieur, découvert
en ou avant 1880 entre Saulx et Creveney, ancienne collection de la SALSA, puis collection Petitclerc.

 

Un certain Joseph Bertrand, propriétaire à Saulx qui habitait Nancy, s’était procuré « l’empreinte et la contre-empreinte d’un Poisson Ganoïde, de très grande taille » (59 cm de longueur totale et 19 cm de hauteur) à l’intérieur d’une « miche » marneuse du Toarcien inférieur (Petitclerc, 1885a : 193). Ce fossile exceptionnel avait été mis à jour en 1883 par les ouvriers qui travaillaient à la rectification de la route de Saulx à Calmoutier, à la hauteur de Creveney. Par la forme de ses écailles et de ses nageoires, Petitclerc le rapprochait du genre Lepidotus, orthographe subséquente incorrecte de Lepidotes Agassiz, 1832. Petitclerc parvint à acquérir une des deux parties du spécimen pour sa collection et en publia une photographie en 1923 dans ses Notes sur un poisson et un reptile fossiles, du Lias supérieur de la Haute-Saône (Fig. 6A-B). Il est à noter que la SALSA possède un cliché original de grand format réalisé par Petitclerc qui est en dépôt au Musée Georges-Garret (numéro d’inventaire ME A4 33). Le géologue vésulien avait envoyé un autre cliché du spécimen à Albert Gaudry (1827-1908) pour l’identifier. Ce dernier sollicita l’avis du paléoichtyologiste Fernand Priem (1857-1919), qui l’assigna à l’espèce « Lepidotus » [Lepidotes] elvensis (Blainville, 1818) (Petitclerc, 1923).

La moitié du spécimen qui a été photographiée par Petitclerc a pu être retrouvé dans les collections Géosciences de Sorbonne Université et faisait donc partie du don fait à la Faculté des sciences de Paris (Fig. 7A). Elle est montée sur un support en bois qui porte sur sa face arrière une étiquette indiquant « Lias supérieur, Lepidotus elvensis de Blainville découvert en 1887, entre Creveney et Saulx (Haute-Saône) » (Fig. 8). L’année 1887 est également mentionnée à tort dans l’article de Petitclerc publié en 1923 alors que ce spécimen a été découvert en 1883 comme il l’a été montré plus haut. L’autre moitié fut quant à elle offerte à la SALSA et resta donc à Vesoul où elle est aujourd’hui conservée au Musée Georges-Garret (Fig. 7B). Le spécimen présente un corps fusiforme. La longueur de la tête mesurée jusqu’au bord postérieur de l’opercule est comprise 3,7 fois dans la longueur standard (sans la nageoire caudale) et est 1,25 fois inférieure à la hauteur maximum du corps qui est atteinte à mi-chemin entre l’occiput et la nageoire dorsale. Il possède 36 ou 37 rangées transversales d’écailles depuis le bord postérieur du cleithrum au niveau de la ligne latérale principale. Le bord antérieur de la nageoire anale est opposé au dernier rayon postérieur de la nageoire dorsale. Ces caractéristiques sont typiques de Lepidotes elvensis dont l’holotype provient du Toarcien d’Elbes, commune de Martiel, dans l’Aveyron (Blainville, 1818 ; Priem, 1908 ; Wenz, 1967).


Fig. 7. Lepidotes elvensis (Blainville, 1818), Toarcien inférieur, découvert en 1883 entre Saulx et Creveney (Haute-Saône), ancienne collection Joseph Bertrand, propriétaire à Saulx. A, moitié acquise par Paul Petitclerc puis donnée à la Faculté des Sciences de Paris (Sorbonne Université, SU.PAL.2017.0.53.51). B, moitié offerte à la SALSA et mise en dépôt au Musée Georges-Garret à Vesoul, D 989.4.1. Échelle : 10 cm.

 


Fig. 8. Étiquette fixée à l’arrière du support en bois sur lequel est monté
le spécimen conservé à Sorbonne Université (SU.PAL.2017.0.53.51).

 

Dans son article sur le gisement de Creveney publié en 1885, Petitclerc signalait que deux autres spécimens de Lepidotes, moins complets que celui dont il vient d’être question, avaient été découverts dans le Toarcien de la Haute-Saône (Petitclerc, 1885a : 192-193 ; 1923 : 122). Le premier, dont la tête et une partie du corps étaient remarquablement bien conservées, avait été trouvé aux alentours du château de Villers Poz sur la commune de Colombier, où affleure le Toarcien inférieur avec ses Schistes carton et son banc de gros nodules marno-calcaires (Contini & Théobald, 1970 : 5). Ce spécimen faisait partie de la collection d’Auguste Sautier. Né le 22 décembre 1814 à Vesoul 31, il était chef de bataillon du génie. Il obtint la Légion d’honneur le 12 mars 1866 32. Passionné de géologie et paléontologie, il avait constitué une riche collection de fossiles (Carez & Douvillé, 1892 : 146). Juste avant de prendre sa retraite en mai 1867 33 et de revenir s’installer dans sa ville natale, il était commandant du génie à Langres. C’est en explorant les environs de cette ville, qu’il étudia le gisement rhétien de Provenchères-sur-Meuse et qu’il en fit connaître les richesses paléontologiques (Sautier, 1868), même si, comme nous l’avons vu plus haut, le site était déjà connu d’Alcide d’Orbigny. Sautier était membre correspondant de la Société d’Émulation du Doubs depuis 1848, membre à vie de la Société géologique de France depuis 1854 et membre résident de la SALSA à partir de 1870. Il mourut à Vesoul le 27 décembre 1896 34. Enfin, le dernier spécimen de Lepidotes, auquel on assignait Coulevon comme lieu d’origine, appartenait à François Jules Chevrey, négociant à Vesoul, né le 7 février 1834 et mort le 19 juin 1894 dans cette même ville 35. Les deux spécimens des collections Sautier et Chevrey furent semble-t-il perdus après la mort de leurs propriétaires.

En 1885, Petitclerc indiquait que Dépierres, avocat à Luxeuil (Luxeuil-les-Bains), possédait des portions de côtes « d’un animal gigantesque de la classe des Reptiles » trouvés dans le Toarcien de Saulx ainsi que quatre petites vertèbres et une vertèbre dorsale de 9 cm de diamètre d’ichthyosaures du Toarcien de Creveney. Né le 2 août 1813 à Luxeuil et mort le 12 mars 1894 dans cette même ville 36, Augustin Joseph Dépierres commença à exercer sa profession d’avocat le 17 mai 1836. Il fut suppléant du juge de paix de Lure du 13 avril 1864 jusqu’au mois de mars 1879 puis de celui de Luxeuil d’avril à décembre 1879. Président du comice agricole de Lure à partir du 10 mai 1864 et président du comité de Lure de la Société française de secours aux blessés des armées à partir de février 1870, il reçut la croix de bronze et le diplôme de cette société en souvenir des services rendus après les batailles franco-prussiennes de Villersexel et d’Héricourt. Il fut nommé chevalier du mérite agricole le 22 septembre 1883 et chevalier de la Légion d’honneur le 24 juillet 1886 37. Dépierres s’intéressait à la géologie, la botanique et l’entomologie (Carez & Douvillé, 1892 : 130). Il avait été reçu membre correspondant de la Société d’Émulation du Doubs en 1880, membre titulaire de la Société Belfortaine d’Émulation et membre non résident de la SALSA. Dépierres avait également fait part à Petitclerc de la découverte, qu’il avait faite un certain nombres d’années avant 1885, de plusieurs gisements de poissons fossiles du Toarcien dans les environs immédiats de Creveney (Petitclerc, 1885a : 197-198). Ces poissons, attribués au genre Leptolepis Agassiz, 1832, se rencontraient dans des dalles de calcaire de couleur grise, ayant jusqu’à 10 cm d’épaisseur qui étaient utilisées pour l’empierrement des routes ou la construction. Une de ces plaques, portant deux spécimens de Leptolepis sp. du Toarcien inférieur de Creveney, est conservée dans les collections Géosciences de Sorbonne Université et faisait partie de la collection Petitclerc (Fig. 9). Un autre spécimen de la collection Petitclerc (SU.PAL.2017.0.53.41) provenant de Saulx est également attribuable à Leptolepis sp. Cette collection possède encore un autre actinoptérygien du Toarcien de Liévans (Fig. 10A). L’étiquette, en partie mangée par un rongeur, indique « To[arcien] Poiss[on] [fossile] de Liévans Hte Saône » (Fig. 10B). Le spécimen possède un corps allongé et fusiforme. La longueur de la tête mesurée jusqu’au bord postérieur de l’opercule est comprise 3,3 fois dans la longueur standard (sans la nageoire caudale) et est 1,17 fois supérieure à la hauteur maximum du corps. Quelques os dermiques du crâne possèdent une ornementation très marquée qui ne se voit pas dans la région operculaire. Ce spécimen inédit mériterait une étude détaillée qui sort cependant du cadre de cet article.


Fig. 9. A, Leptolepis sp., Toarcien inférieur, route de Saulx à Creveney, collection Petitclerc, SU.PAL.2017.0.53.43.0. B, vue
agrandie du spécimen repéré par la lettre « P ». C, étiquette collée au dos de la plaque. Échelles : 1 cm (B) et 2 cm (A).

 


Fig. 10. A, Actinopterygii, Toarcien inférieur, Liévans (Haute-Saône), collection Petitclerc, SU.PAL.2017.0.53.42. B, étiquette
de la main de Petitclerc accompagnant le spécimen. Échelle : 2 cm.

 

 

Conclusion

En complément des biographies établies par Duchet-Suchaux (1938) et Didier (1938), cet article apporte un nouvel éclairage sur Paul Petitclerc et des éléments inédits sur ses collections paléontologiques. Il fut notamment le premier à mentionner et à s’intéresser aux vertébrés du Toarcien de la Franche-Comté dont des spécimens remarquables, pourtant méconnus, avaient été découverts dans la seconde moitié du XIXe siècle. Cette contribution passée inaperçue dans les études faites sur ces faunes à partir des années 1970 permet de reculer d’un siècle l’histoire de ces découvertes.

 

 

Remerciements

Je tiens à exprimer toute ma gratitude à Sabine Gangi (Musée Georges-Garret, Vesoul), Stéphane Jouve (Sorbonne Université, Paris) et Apolline Lefort (Muséum de Besançon) pour leur accueil dans les collections dont ils ont la charge. Je remercie Marie-Astrid Angel (Bibliothèque du laboratoire de paléontologie) et les équipes de la bibliothèque centrale du Muséum national d’Histoire naturelle, Paris, ainsi que Fabienne Jeudy et les Archives départementales de la Haute-Saône qui m’ont permis de consulter des documents d’archives ; Thierry Malvesy (Muséum d'histoire naturelle de Neuchâtel) et Jean-Michel Pacaud (MNHN) pour les renseignements qu’ils m’ont fournis ; Michèle Fouché et Gaëlle Doitteau (Muséum de Besançon) pour leur aide. Je tiens à remercier également le Muséum national d’Histoire naturelle de m’avoir communiqué et autorisé à publier les photographies des documents qui illustrent cet article.

 

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Notes


  1. Base Léonore, dossier 19800035/746/84696.

  2. Archives départementales de la Haute-Saône (AD70), état civil, Vesoul, naissances, 1840, acte n° 49.

  3. Base Léonore, cote LH/2127/41.

  4. AD70, état civil, Vesoul, décès, 1843, acte n° 120.

  5. AD70, état civil, Vesoul, naissances, 1800.

  6. AD70, état civil, Vesoul, décès, 1892, acte n° 138.

  7. AD70, état civil, Bouhans-lès-Montbozon, mariages, 1827, acte n° 16.

  8. Née le 13 décembre 1828 à Vesoul (AD70, état civil, Vesoul, naissances, 1828, acte n° 148), décédée le 1er décembre 1902 à Vesoul (AD70, état civil, Vesoul, décès, 1902, acte n° 189), veuve de Claude Victor Gauvain, avocat.

  9. Née le 30 août 1830 à Vesoul (AD70, état civil, Vesoul, naissances, 1830, acte n° 103), décédée le 29 septembre 1897 à Vesoul (AD70, état civil, Vesoul, décès, 1897, acte n° 176), veuve de Louis François René Carrot, principal clerc de notaire.

  10. Née le 26 octobre 1832 à Vesoul (AD70, état civil, Vesoul, naissances, 1832, acte n° 122), décédée le 18 juin 1910 à Vesoul (AD70, état civil, Vesoul, décès, 1910, acte n° 102), veuve de Claude François Marie Joseph Carret, propriétaire.

  11. Née le 1er juillet 1836 à Vesoul (AD70, état civil, Vesoul, naissances, 1835, acte n° 85), décédée le 2 août 1904 à Vesoul (AD70, état civil, Vesoul, décès, 1904, acte n° 155), veuve de François Auguste Durand, notaire.

  12. Le nom complet « Société d’Agriculture, Lettres, Sciences et Arts du département de la Haute-Saône » (SALSA) n’apparaît qu’en 1905.

  13. L’actuelle rue Roger Salengro.

  14. Base Léonore, dossier LH/2127/43.

  15. Ibid. ⇧

  16. Ibid. ⇧

  17. Cyclas thirriai Tournouër, 1866 (Bivalvia).

  18. « Catalogue des objets reçus depuis la fondation de la chaire. Tome 08 de 1902 à 1908 », laboratoire de paléontologie, MNHN, numéro d’entrée 1906-21.

  19. SU.PAL.2017.0.53.24.0

  20. SU.PAL.2017.0.53.40

  21. SU.PAL.2017.0.53.47 et 48

  22. SU.PAL.2017.0.53.25.0

  23. SU.PAL.2017.0.53.26.0

  24. SU.PAL.2019.0.194

  25. Environ 2300 invertébrés fossiles de la collection Petitclerc furent déménagés de l’Université de Besançon au Musée Georges-Cuvier de Montbéliard avant de rejoindre la citadelle de Besançon (Thierry Malvesy, comm. pers.)

  26. « Catalogue des objets reçus depuis la fondation de la chaire. Tome 01 de 1851 à 1863 », laboratoire de paléontologie, MNHN, numéro d’entrée 1855-22.

  27. Base Léonore, dossier LH/2127/43.

  28. « Usine de fabrication et distillation des goudrons de la Société des Schistes et Pétroles de Franche-Comté », base Mérimée, ministère de la Culture, notice IA70000177.

  29. Charles Marie Albert Travelet, né à Besançon le 21 février 1847 (AD25, état civil, Besançon, naissances, 1847, acte n° 122), mort le 20 octobre 1885 à Gy (AD70, état civil, Gy, décès, 1885, acte n° 40).

  30. Ce genre de reptile sauroptérygien du Trias possède des dents broyeuses qui ont longtemps été confondues avec des dents de poissons pycnodontiformes (Brignon, 2021).

  31. AD70, état civil, Vesoul, naissances, 1814 (de son nom complet Denis Auguste Sautier).

  32. Base Léonore, dossier LH/2466/23.

  33. Bulletin des lois, pour l’année 1867, partie supplémentaire n° 1339, p. 112-113.

  34. AD70, état civil, Vesoul, décès, 1896, n° 167.

  35. AD70, état civil, Vesoul, naissances, 1834, n° 17 ; décès, 1894, n° 111.

  36. AD70, état civil, Luxeuil-les-Bains, naissances, 1813, acte n° 48 ; décès, 1894, acte n° 21.

  37. Base Léonore, dossier LH/735/43.

 

 


Auteur


Arnaud Brignon

5 villa Jeanne d’Arc, 92340 Bourg-la-Reine
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Citation


Brignon A., 2021. Paul Petitclerc (1840-1937) et sa contribution à la découverte des vertébrés jurassiques de la Haute-Saône. Colligo, 4(1). https://revue-colligo.fr/?id=66.